Foto: Padrig Montauzier avec l'abbé Blanchard, abbé patriote et nationaliste breton.
Breizhiz, preizh oc'h deut da vezañ da lezennoù didruez ur reizhiad bedelour ha bedvroelour ha da veañs ar re zo ouzh e ren. Bazhyevet oc'h dindan lezennoù estren Bro-C'hall hag a zo bet a-viskoazh o klask hoc'h enteuziñ hag a zistruj kement tra a c'hallfe ho tieubiñ. Ar falsprofeded-se o deus troet ac'hanoc'h en atomoù denel, e Frañsizien vat reizh ha sentus. Ar pezh a anvont demokratelezh hiziv n'eo nemet maskl ar servelezh ekonomikel hag an displedoni vezhus.
Hiziv, pobl Vreizh, n'ac'h eus ket a vammvro anavezet ez-ofisiel ken. Arc'hoazh n'az-po mui na familh, na hevelebiezh : n'az po nemet mistri. Klaoustre, siwazh, en em laki da garout ar sujidigezh-se en ur grediñ e waranto dit bevañ ez aes.
Traduction française :
Bretons, vous êtes livrés aux lois impitoyables d’un système mondialiste et cosmopolite et à l'égoïsme de ceux qui le dirigent. Vous êtes soumis aux lois étrangères de la France qui se livre depuis toujours à une politique d’assimilation forcée, et détruit tout ce qui peut vous libérer. Ces mauvais prophètes vous ont transformé en atomes humains, en bons Français dociles et disciplinés. Ce qu'ils nomment aujourd'hui démocratie n'est que le masque de l'esclavage politique, du servage économique et de l'abjection morale.
Aujourd’hui, peuple breton tu n’as plus de patrie reconnue officiellement. Demain tu n’auras ni famille, ni identité : tu n’auras que des maîtres. Mais malheureusement tu risqueras d’aimer encore cette servitude croyant qu'elle te garantira l'aisance matérielle.
IDENTITÉ
La Bretagne est une nation avec une personnalité forte et profondément enracinée, pour commencer l'interview, j'aimerais que vous nous expliquiez la genèse de la nation bretonne.Beaucoup de gens pensent que les Bretons sont les restes des Celtes gaulois qui ont survécu à la romanisation, mais en réalité c'était l'Armorique et c'était totalement romanisé, vous, les Bretons, vous vous appelez ainsi précisément parce que vous venez de Grande-Bretagne et êtes les descendants deles Celtes ont émigré en Armorique à la suite de l'invasion anglo-saxonne de l'île.Pouvez-vous expliquer brièvement cela ?L'arrivée des Bretons était-elle dans une certaine mesure une « re-celtisation » de l'Armorique ?
Padrig Montauzier : La presqu’île habitée aujourd’hui par les Bretons et située à l’extrémité de l’Europe occidentale était connue dans le passé sous le nom d’Armorique, « le pays du bord de la mer ». Les premières manifestations de la vie humaine en Armorique datent de l’époque paléolithique avec notamment les fouilles du Mont Dol en Ille et Vilaine. Les hommes qui ont dressé les mégalithes vivaient aux environs de l’an 2000 avant Jésus-Christ, possédaient des armes de bronze et imposèrent alors leur domination sur tout l’Occident, jusqu’au jour où les Celtes qui occupaient l’Europe centrale partirent à la conquête des terres avoisinant la Baltique, la mer du Nord, la Grande Bretagne et l’Irlande.
Au premier siècle avant Jésus-Christ, plusieurs tribus celtes occupent le massif Armoricain. Elles appartiennent au rameau « celto-belge » qui peuple une partie des îles Britanniques. Cinq peuples se partagent le territoire appelé actuellement la Bretagne : Les Redones, les Namnètes, les Vénètes, les Ossismes et les Curiosolites.
L’île de Bretagne, c’est-à-dire la Grande Bretagne actuelle, était habitée par des populations de race ligure puis ensuite envahie par les Celtes, les Goidels dans un premier temps puis par les Bretons. L’invasion saxonne commence vers 449 et se poursuit jusqu’à la fin du VIème siècle. Les succès des troupes saxonnes forcent les Bretons à se réfugier dans l’Ouest du pays en formant ainsi trois groupes : au Sud, les Bretons de Cornouailles (Cornwall), au Nord, les Bretons de Cumbrie et entre les deux, les Bretons de Cambrie ou Pays de Galles. D’autres Bretons, pour échapper à la fureur des Saxons, traversent l’océan et abordent par exemple les côtes de Galice… les autres, beaucoup plus nombreux arrivent en Armorique et fondent la nation bretonne qui occupe aujourd’hui notre péninsule.
A la suite des persécutions exercées par les Anglo-Saxons contre les Bretons, l’émigration en Armorique prend des proportions considérables. Cette émigration de Grande Bretagne en Armorique se fait sans doute par tribus, une flottille part sous la direction d’un tiern (chef) ou encore d’un moine et débarque dans la péninsule. Les exilés se groupent autour d’un chef puissant et c’est ainsi l’origine des principautés créées par les Bretons sur le sol de leur nouvelle patrie. Ces principautés sont au nombre de trois : la Domnonée, la Cornouaille, et le Bro-Warroch ou Bro-Erec. La re-celtisation de l’Armorique se fait sur deux zones distinctes. A l’Ouest l’élément celtique domine complètement car cette région est en partie très dépeuplée. A l’Est par contre où la population armoricaine est plus dense, il se forme ce que l’on appelle aujourd’hui la Haute Bretagne ou pays gallo, une zone mixte à la fois bretonne et armoricaine. Sans l’émigration bretonne, la péninsule armoricaine aurait été un pays de langue latine, simple province du royaume des Francks, languissante et inculte… Cette émigration bretonne lui a donné un peuple nouveau de race et de langue celtiques, un peuple fier, indépendant… en un mot qui en a fait la Bretagne. Voilà ce que les émigrés ont apporté en ce pays, voilà ce que ce pays leur doit. Lorsque les Bretons quittèrent la Cambrie ou le Cornwall pour l’Armorique, ils ne partaient pas pour une terre totalement inconnue. Ils avaient le souvenir des nombreuses relations commerciales entretenues jadis au temps de la Celtique indépendante avec les tribus armoricaines et les paysages de cette nouvelle Bretagne leur rappelaient ceux de la patrie perdue.
Vous êtes donc frères des Gallois - et des Cornouaillais - certains nationalistes bretons pensent que Galles et la Grande-Bretagne sont la même nation divisée en deux, "deux tranchants de la même épée" m'a dit un jour un bon nationaliste breton;en fait l'hymne de Galles et celui de la Bretagne, qu'en pensez-vous ?
Padrig Montauzier : Effectivement nous sommes frères, frères celtes et unis par une même culture. Il est vrai que le Pays de Galles et la Bretagne ont toujours été, sur le plan culturel, très proches principalement au niveau de la langue, Comme vous le mentionnez, nous avons un hymne identique ce qui démontre bien une très grande proximité culturelle. Une différence toutefois, nos frères gallois, comme pour les autres nations celtes, bénéficient de pouvoirs réels et d’une reconnaissance par la couronne anglaise, ce qui n’est pas le cas du peuple breton sous tutelle coloniale française et privé de ses droits nationaux.
A la fin du 19e siècle, au début du 20e siècle, on assiste à un renouveau du celtisme, proposant même une unité pan-celtique, dont chacune des nations celtiques serait une province (Écosse, Irlande, Pays de Galles, Cornouailles, Ile de Man, Grande-Bretagne).Êtes-vous favorable à cette idée ?
Padrig Montauzier : Cette idée évidemment j’y suis favorable et l’on voit bien qu’elle est profondément ancrée chez les Bretons. Regardez par exemple le succès du festival inter-celtique de Lorient qui rassemble depuis de nombreuses années des milliers de spectateurs venant du monde entier. Toutefois, si après la seconde guerre mondiale nos frères irlandais et gallois se sont mobilisés pour aider les militants nationalistes bretons persécutés par le gouvernement gaulliste/communiste français, il ne faudrait pas oublier que dans l’ensemble tous nos frères celtes restent relativement très francophiles. Personnellement, sur le plan politique, je regarde plus vers l’Est pour un soutien à notre cause de libération nationale. C’est là que l’on voit qu’il existe parfois un « fossé » entre le culturel et le politique, alors que les deux sont étroitement liés !
Le Gwenn ha Du (blanc et noir) est le nom donné au drapeau breton que nous connaissons tous, mais la Bretagne a eu de plus en plus de drapeaux plus anciens, comme celui avec la croix noire sur fond blanc, lequel d'entre eux représente le mieux l'histoire et l'identité bretonne, quelle est la différence entre eux ?
Padrig Montauzier : Faisons abstraction des drapeaux représentant les pays (Broioù) de Bretagne et intéressons-nous aux trois drapeaux symbolisant la Nation bretonne. Les drapeaux basés sur une croix de couleurs découlent en fait de l’époque des croisades. Lors des deux premières croisades, les différentes nations y participant arboraient toutes la croix rouge sur fond blanc. C'est seulement lors de la troisième croisade, en 1188, que chaque nation put avec l'accord du pape disposer de sa propre couleur de croix afin de se distinguer des autres nations. Avec l'approbation du pape Gregoire IX, les Bretons auraient reçu la couleur noire pour leur croix. Les différentes traces historiques ont le plus souvent montré la croix noire sous forme d'écu, de bannière, ou encore associée à des hermines. Le Kroaz Du (croix noire en breton) devient l'emblème de l’État breton jusqu'à l'annexion par la France. Le Kroaz Du évoluera à cette date et sera utilisé par la marine bretonne qui lui rajoute des mouchetures d'hermine. Lors de l'annexion définitive en 1532, il disparaîtra alors au profit de l'hermine plain, les différents rois de France successifs estimant que la croix noire rappelait trop la monarchie et l’indépendance bretonne, et risquait de remettre en cause la légitimité du rattachement du duché de Bretagne à la France. Le Kroaz Du a été remis en lumière à partir de l’année 2000 sous l’impulsion du parti de droite nationaliste ADSAV.
Appelé Bannière d'hermine ou drapeau hermine plain, ce drapeau historique de Bretagne voit le jour en 1316 sous le règne du duc de Bretagne Jean III qui décide de changer d'armoiries et opte pour le semé de mouchetures d'hermine, que l'on appelle en héraldique « hermine plain ». Aujourd'hui encore, le drapeau d'hermine est utilisé lors certaines manifestations historiques, politiques et fêtes religieuses, par certains bagadoù et mairies de Bretagne et flotte sur des bateaux de plaisance, châteaux et églises de Bretagne.
Enfin le Gwenn ha Du (blanc et noir en breton). Au XIXème siècle, un réveil celtique, partie prenante du romantisme et du principe des nationalités, gagne toute l’Europe, d’Ouest en Est, et les hermines du Gwenn-ha-Du en frémirent dans le vent. C’est en 1925 que Morvan Marchal, militant nationaliste breton et co-fondateur de Breiz Atao, ce laboratoire expérimental des partis bretons de l’avenir, créé le drapeau breton à bandes. Il fallait inventer un drapeau breton d’esprit moderne tout en conservant au maximum les couleurs et les hermines primitives. Au point gauche du drapeau neuf bandes égales alternativement noires et blanches, couleur traditionnelle, lesquelles bandes représentent, les blanches les pays bretonnants : Léon, Trégor, Cornouaille, Vannetais, les noires, les pays gallos : Rennais, Nantais, Dolois, Malouin, Penthièvre.
Ce drapeau n’a jamais voulu être un drapeau politique mais un emblème moderne de la Bretagne et il constitue une synthèse parfaitement acceptable de la tradition du drapeau d’hermine et d’une figuration de la diversité bretonne. Dès 1937, il est reconnu par le gouvernement français à l’Exposition Internationale où il flotte sur l’Esplanade des Invalides à égalité avec les autres drapeaux du monde entier.
Ainsi, arboré à ses débuts par le seul Parti National Breton, il fut rapidement adopté par d’autres fractions militantes aussi différentes qu’Ar Falz et le Bleun-Brug. Il guidera les militants sur les lieux historiques et flottera au cours de leurs manifestations et congrès. Avant, pendant et après la seconde guerre mondiale des centaines de Bretons iront en prison, se battront et mourront pour ce drapeau parce qu’il symbolise leur personnalité d’homme libre dans la réalité toujours enchaînée.
Le Gwenn ha Du est donc aujourd’hui le drapeau national officiel de la nation bretonne.
On parle de la possibilité de réintégrer la capitale historique de la Bretagne, Nantes, en Bretagne, dont elle a été saisie en 1941 pour créer le département artificiel de la Loire-Atlantique.Cette réunification de la Grande-Bretagne est un jalon pour le nationalisme breton ?
Padrig Montauzier : Le décret signé sous le régime français du Maréchal Pétain retirant la Loire Atlantique du reste de la nation bretonne est en fait un vieux projet décidé par les radicaux socialistes français afin d’affaiblir la Bretagne de la réduire sur le plan européen car l’État français n’a jamais perdu en mémoire le fait séparatiste breton. Tous les gouvernements français ont fidèlement suivi et appliqué ce décret et cette horrible amputation de notre nation. Cette partition de notre Bretagne ne repose que sur des volontés politiques françaises dont les conséquences continuent de peser lourdement sur notre nation : économiquement, nous sommes affaiblis ; et outre le déni évident de démocratie, le temps poursuit l’érosion de notre identité et amenuise cette force qu’elle constitue, ce levier dont tous devrions tirer profit. La question de la réunification de la Bretagne est plus que jamais d’actualité, mais, nous nationalistes et indépendantistes bretons, restons opposés à la tenue d’un référendum pour de multiples raisons. La première est d’une évidence toute simple : l’État français, en organisant la partition, en amputant la nation bretonne d’une partie de son territoire national, a-t-il demandé son avis au peuple breton ? Non bien évidemment ! Alors pourquoi tant de gymnastique ? Pourquoi demander, je dirais quémander, un référendum ?
La voie du référendum est un véritable piège sur cette question fondamentale qu’est le retour de la Loire Atlantique en Bretagne. Un leurre, un appeau comme disent les chasseurs, un référendum bien pensé, cadenassé, ambigu quant à la définition, au périmètre ou encore à la formulation et aux libellés des questions posées… Un référendum sujet à toutes les manipulations de la part des ennemis jurés de la réunification et ils sont nombreux à être aux aguets, sans oublier des politiques en bout de course qui aujourd’hui reviennent sur le devant de la scène et qui dans le passé ont trahi.
Il existe pourtant un mode législatif tout simple pour régler le problème : le décret. Il suffirait en effet d’un simple décret, répondant à celui du gouvernement français en 1941, pour réintégrer la Loire Atlantique en Bretagne, clore ainsi définitivement cette abomination et rendre enfin justice au peuple breton. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ! Alors faut-il que la réunification de la Bretagne pose problème et inquiète à ce point pour devoir choisir la voie la plus tortueuse pour résoudre une fois pour toute l’éternelle revendication du peuple breton qui, dans son immense majorité et principalement les habitants de la Loire Atlantique, demande la fin de cette partition ? Il est vrai qu’une Bretagne, son intégrité territoriale retrouvée, deviendrait une nation européenne conséquente, d’où l’origine de son amputation, sans sous-estimer les craintes toujours actuelles d’un État français, enfermé dans un colonialisme d’un autre âge, redoutant quelques velléités séparatistes de la part d’une Bretagne toujours réputée rebelle.
Refusons catégoriquement cette solution référendaire qui pourrait se retourner contre nous et signifier la fin de notre rêve d’unité.
NATIONALISME
Vous avez été condamné à 15 ans de prison pour votre participation à l'attentat du Château de Versailles (une attaque sans victimes qui ne cherchait que des dommages matériels et symboliques) en tant que membre du FLB / ARB, vous êtes donc l'une des plus grandes références du nationalisme Breton, pouvez-vous nous résumer brièvement votre vie de militant ?
Padrig Montauzier : Mon parcours politique pourrait être assez classique s’il n’y avait pas eu la période « clandestine », les condamnations puis les prisons françaises.
Comme je l’ai maintes fois mentionné, j’ai très jeune été baigné dans un environnement politique, un environnement familial puisque mon père était militant et dirigeant syndicaliste ouvrier. C’est ainsi que tout gamin j’ai participé à certaines grandes manifestations organisées par le parti communiste français et mes souvenirs restent encore, à ce jour, intacts, comme ces « premier mai » au parc du Thabor à Rennes.
La suite est logique, la route est toute tracée. Adhésion aux Jeunesses communistes quelques années avant les fameux évènements de mai 68 et c’est à partir de cette date que tout va basculer. Un mouvement clandestin FLB (Front de Libération de la Bretagne) se manifeste bruyamment en Bretagne en faisant exploser des bâtiments administratifs symboles de la présence française en Bretagne. Une revendication claire : l’indépendance de la Bretagne… Évidemment ce n’était pas du goût d’un PCF jacobin et ennemi juré de tout ce qui pouvait être assimilé au mouvement breton. Vient également s’ajouter à cette première dissension, le mouvement de révolte de mai 68 et le regard d’un jeune lycéen de 18 ans, un regard en totale opposition avec les positions communistes (PCF) et celles de la centrale ouvrière affiliée à ce parti.
C’est la rupture totale et mon intérêt soudain pour tout ce qui concerne la Bretagne et le mouvement breton, tant culturel que politique. Un premier déclic : apparition à la télévision régionale d’un homme s’exprimant en langue bretonne ! Cet homme, vous l’avez reconnu, c’était Charlez ar Gall. Seconde chose qui déclenche mon intérêt pour la cause bretonne c’est une lecture de l’Histoire de la Bretagne de l’abbé Poisson et là l’affaire était conclue. S’ensuivent les lectures de nombreux journaux politiques de l’époque dont l’Avenir de la Bretagne dirigée par Yann Fouéré, et le Peuple breton l’organe de l’UDB. Le choix a été rapide, et l’homme de gauche que j’étais encore resté, opte pour les idées exprimées dans un journal classé « à droite », le journal de Yann Fouéré et à cette époque organe de SAV (Strollad Ar Vro, parti de la patrie en français.
Début des années 70, adhésion au parti SAV et quelques temps plus tard je prends la fonction de secrétaire fédéral pour le pays de Rennes.
Entre temps les attentats du FLB (Front de libération de la Bretagne) s’intensifient, ainsi que les arrestations, les condamnations… L’État français, fidèle à lui-même, reste totalement sourd malgré la multiplication des « nuits bleues » et les scores très honorables du mouvement politique breton légal aux diverses élections.
Alors encore une suite logique… Pourquoi poursuivre dans la voie légale qui semble être une impasse ? Quelques mois plus tard le pas est franchi. C’est mon engagement dans le mouvement clandestin. Responsable de Kevrennoù sur plusieurs départements, membre du Kuzul Meur (Grand conseil), attentats en série... puis arrestation et jugement devant une juridiction spéciale française : la Cour de Sûreté de l’État. Une première condamnation à 15 années de réclusion criminelle, puis quelques mois plus tard, seconde condamnation (pour une trentaine d’attentats) à 15 autres années d’emprisonnement dans les geôles françaises. A noter que lors du premier procès, j’ai refusé d’y participer au motif que je ne reconnaissais pas cette juridiction française et demandais à être jugé en Bretagne par un juridiction bretonne. Dans le box des accusés, je me suis limité à lire une longue déclaration de plusieurs heures après 20 jours de grève de la faim, et demandé à mes avocats de se retirer afin de laisser, entre elle, la justice française délibérée en son âme et conscience ! (Petit rappel, la peine de mort avait été envisagée).
1981, élection de Mitterrand, amnistie… et 3 ans et demi passés dans les cachots du pays qui nous occupe toujours. A peine libéré, création avec Yann Fouéré et une poignée de militants nationalistes du POBL (Parti pour l’Organisation de la Bretagne Libre). A l’issue d’une première assemblée générale je suis nommé secrétaire national, puis quelques années plus tard je deviens un des présidents jusqu’à la création d’ADSAV (la relève ou la renaissance) en français, parti de la droite nationaliste bretonne. A l’initiative de ce nouveau parti, j’en prends la direction pendant de nombreuses avant de laisser la place à une équipe plus jeune et me consacrer uniquement à la revue War Raok/La voix de la nation bretonne qu’il faut impérativement moderniser et développer… un outil indispensable pour faire avancer, voire triompher, la cause indépendantiste bretonne.
La Première Guerre mondiale du fait de son impact démographique et de son acculturation française, après la Seconde on fut considérée « tout le breton » comme un soupçon de «collaborationnisme», comment ces deux conflits affectèrent-ils réellement la Bretagne ?
Padrig Montauzier: La première guerre mondiale a été une véritable catastrophe pour la Bretagne. 240 000 Bretons sont morts dans une guerre où la Bretagne n’était en rien concernée, mais cette guerre correspond surtout à la fin d’un mode de vie traditionnelle, à la régression de la langue bretonne… et à la montée d’un fanatisme républicain français culpabilisant les Bretons d’appartenir à un peuple fier et distinct.
La seconde guerre mondiale a été également un conflit qui a affecté durement notre patrie. Toutefois il faut noter que si durant le premier conflit le mouvement breton était peu existant sur le plan politique, il n’en est pas de même lors de cette seconde guerre mondiale. L’EMSAV est organisé, relativement influent avec plusieurs partis politiques mais également bien représenté dans le domaine culturel. On conteste ouvertement la présence française en Bretagne, le journal Breiz Atao, le Parti National Breton ouvrent la voie et parlent d’indépendance… le groupe clandestin Gwenn ha Du fait parler la poudre, le journal La Bretagne, plus modéré, demande un statut d’autonomie… Il y a donc une véritable « contestation » nationaliste bretonne et l’État français en alerte met en route son appareil répressif. Premières arrestations de leaders politiques, premiers emprisonnements.
Je vous donne deux citations de chefs et militants nationalistes bretons à cette période :
« Quelques centaines de Bretons résolus peuvent, à l’occasion du prochain confit, faire de la Bretagne une seconde Irlande ». Frañsez Debauvais.
Ou encore :
« Dans un délai prévisible il n’y aura plus de France, nous devons être sur les rangs pour prendre notre part des dépouilles de la bête ». Célestin Lainé.
Pendant ces années du conflit, deux camps s’affrontent : les Bretons qui se rangent du côté de la France en résistance contre l’occupation allemande, et les nationalistes bretons qui ne veulent pas entrer dans ce jeu guerrier où la Bretagne n’est nullement en conflit avec l’Allemagne. On retrouve cette même situation en Irlande avec le mouvement républicain et notamment avec l’attitude de l’IRA. Profitant de cette situation particulière en Bretagne et sous l’influence de plusieurs responsables allemands très celtisants, le IIIème Reich accorde quelques largeurs aux milieux nationalistes sur le plan culturel, notamment la diffusion de la langue bretonne sur les ondes. Quant à son engagement, en cas de victoire, d’accorder à la Bretagne une réelle indépendance, cela reste assez floue et pour ce qui me concerne reste au stade d’une vague promesse.
Ce qu’il faut surtout retenir de ce second conflit et de son incidence en Bretagne, c’est le comportement de ceux, qui au nom d’une résistance à l’occupant allemand, commettent les pires crimes, les plus odieux assassinats de militants bretons. C’est ainsi, après le lâche assassinat de l’abbé Yann-Vari Perrot par les communistes, que des militants nationalistes créent la formation Perrot (Bezen Perrot) et s’engagent, en tant que Bretons, au côté des forces allemandes et traquent alors les réseaux de résistants afin de préserver la vie des militants bretons. Ces hommes, ne se reconnaissant pas français, n’ont donc pas collaboré, c’est une différence avec les millions de Français qui, eux, ont joué la carte allemande contre leur propre pays.
Enfin, après la guerre, la France gaulliste et communiste a traduit et fait condamner un nombre considérable de militants bretons tant politiques que culturels, et malheureusement certains ont été passés par les armes. Rappelons, que lorsqu’ils étaient condamnés à mort face au peloton d’exécution, ils ne criaient pas «Heil Hitler» mais «Breizh Atao». Et si l’histoire avait été autre ? Nos militants seraient aujourd’hui des héros, des rues, des places porteraient leurs noms…
En tant que nationaliste breton et indépendantiste, je me suis toujours refusé à condamner ces camarades. J’ai le plus grand mépris pour ceux qui le font et qui sont tous, vous devez vous en douter marxistes et communistes, éternels ennemis d’une Bretagne libre.
La France n’est pas à une honte près... Cette période a laissé des traces, et malgré les tombereaux de mensonges déversés constamment par la bonne presse régionale, entretenant cet esprit de vengeance, le mouvement breton a néanmoins su relever la tête et reprendre le combat contre cet État français englué dans un colonialisme et un impérialisme d’un autre âge.
Olier Mordrel est-il la référence maximale de la pensée nationaliste bretonne ?
Padrig Montauzier : Même si nous ne partageons pas toutes les positions d’Olier Mordrel, il nous faut reconnaître qu’il compte parmi le grand penseur et acteur du nationalisme breton. Ce grand homme a eu cette chance d’être présent et de militer pendant le second conflit mondial, puis après un exil forcé, de continuer à militer et à promouvoir les idées nationalistes bretonnes. Un autre grand homme, que j’ai bien connu et milité avec lui de très nombreuses années, c’est Yann Fouéré. Autre personnage, bien différent d’Olier Mordrel, pas tant sur les idées, mais sur l’approche et sur la façon de les présenter et de les promouvoir. N’oublions pas que Yann Fouéré fut un ancien haut fonctionnaire, ancien sous-Préfet de Morlaix dans le Finistère et donc habitué à une certaine diplomatie… ce que fait de lui un redoutable homme politique. En fait, ces deux hommes se complètent admirablement. Maintenant, d’autres ont écrit, peu il est vrai, mais de grande valeur également. Un grand regret, suite à la mort prématurée, du fait d’une longue maladie, pendant la seconde guerre mondiale de celui que je considère comme le grand artisan du mouvement nationaliste breton et fidèle équipier d’Olier Mordrel, je veux parler de Frañsez Debauvais. Très peu d’écrits malheureusement de sa part et je pense que s’il avait survécu nous aurions eu très certainement une autre version, ou plutôt, une approche différente du nationalisme breton qui aurait été un véritable outil, une véritable arme, pour notre combat de libération nationale.
Malheureusement, dans les années 60-70, le nationalisme breton a été pénétré par le gauchisme, des magazines comme War Raok, que vous dirigez, ou des partis comme ADSAV, dont vous êtes co-fondateur, sont-ils la possibilité de retrouver le véritable sens identitaire du nationalisme breton ?
Padrig Montauzier : Les années 60-70 sont en fait les années du fameux Mai 68 avec ses dérives qui ont gangrené non seulement les milieux politiques mais également toute la société en Bretagne. Le mouvement breton n’a pas échappé au virus gauchiste et a encore, aujourd’hui, bien du mal à en guérir. Cette véritable maladie mentale nous a fait perdre un nombre considérable d’années dans notre combat pour l’émancipation de notre peuple. Notre objectif de militant breton nationaliste est de permettre à la Bretagne de renaître et ce simple objectif dépasse le clivage gauche/droite, clivage que nous revivrons lorsque nous aurons recouvré notre liberté ! Aujourd’hui notre peuple breton est menacé dans son existence même. L’Europe est en proie à une grave crise d’identité, l’image même des peuples est brouillée, le mot nation ne dit plus rien et son sens premier s’efface. Le sentiment d’appartenance n’existe plus que dans la réalité des nations charnelles et dans les aires de vieille culture… Aujourd’hui, la nation s’appelle Bretagne, Flandre, Écosse, Catalogne, Corse, Pays de Galles, Euskadi…
C’est l’orientation choisie par la revue War Raok, orientation qui refuse tout sectarisme idéologique véritable frein dans notre lutte de libération. Le peuple breton a besoin de propositions qui s’inscrivent dans une démarche de renouveau, de propositions porteuses d’idées fortes mais simples qui permettront demain à notre nation de prendre un nouvel essor dans une Europe nouvelle. Comme dit précédemment, on doit s’écarter et se dégager de tout dogme idéologique, de tout impératif de conformisme et de bienséance politiques qui l’emportent sur les intérêts du peuple breton. Notre démarche résulte d’une prise de conscience nationaliste, de décisions qui nous sont propres car nous ne laisserons jamais à d’autres le soin de nous définir. Nous voulons tout simplement faire entrer notre peuple dans l’histoire en lui rendant la possibilité d’agir pour lui-même et d’être l’acteur de son devenir. Ce qui caractérise notre nationalisme, ce qui nous caractérise c’est que nous envisageons notre lutte pour l’indépendance de la Bretagne comme un appel à certaines attitudes morales, sociales et politiques en rupture totale avec le système colonial qui nous opprime.
IMMIGRATION
La Bretagne est en train de devenir un lieu d'arrivée massive d'immigrants ces dernières années, avec l'augmentation conséquente de l'insécurité, pensez-vous que le gouvernement parisien utilise consciemment l'immigration pour « dé-bretoniser » la Bretagne ? Que pensez-vous de ces psycho-nationalistes bretons en faveur du «papal pour tous» ?
Padrig Montauzier : Excellente question qui ne s’applique malheureusement pas uniquement à la Bretagne. L’État français utilise bien sûr ce phénomène migratoire, avec le déplacement de ces populations étrangères et extra-européennes, et déstabilise ainsi l’homogénéité ethnique des peuples. Il le fait régulièrement en Bretagne et dans certaines grandes villes bretonnes aujourd’hui on ne sait plus très bien dans quelle partie du monde nous nous trouvons ! Autrefois on déplaçait les populations (régimes communistes), aujourd’hui la façon de faire est différente, plus anodine, mais toute aussi efficace. Mais comme vous le dites dans votre question, certains militants « bretons » acceptent ce procédé mortifère qui menace l’existence même du peuple breton, peuple dont ils se réfèrent et prétendent défendre l’identité !
De tout temps les déplacements de population ont marqué l’histoire, mais accomplis à l’intérieur d’un vaste ensemble ethno-culturel relativement homogène, ils n’ont jamais affecté la cohésion, ni mis en péril les caractères communs des peuples. La présence de plus en plus massive, en Europe, de populations immigrées extra-européennes est en fait le produit d’un certain système idéologique négateur des spécificités. Il faut également remarquer qu’une immigration massive, comme nous le constatons actuellement, devient obligatoirement une colonisation !
Il nous appartient donc, nous défenseurs des peuples, de refuser ce qui devient une invasion démographique. Les problèmes liés à cette immigration extra-européenne en Europe appellent une solution idéologique favorable à la cause des peuples. Les irresponsables qui prônent la fusion des peuples par idéologie mondialiste font le jeu des puissances d’argent et de la haute finance cosmopolite. Leur ardeur humanitaire masque en fait leurs véritables motivations.
Au même titre que nous, nationalistes et indépendantistes bretons, refusons l’exode des Bretons, nous refusons l’exode immigrationniste dans le reste du monde.
EUROPE DES PEUPLES
Yann Fouéré, un nationaliste breton, a écrit le célèbre livre Pour l'Europe des cent drapeaux qui proposait une Europe fédérale basée sur les patries charnelles.Quelle est votre proposition pour la construction de cette "Europe aux cent drapeaux" ?
Padrig Montauzier : Tout d’abord je voudrais préciser que l’on peut difficilement séparer le combat qui se mène aujourd’hui en Bretagne (ou en Catalogne, en Flandre, en Corse, au Pays Basque, en Écosse...) et le destin de l’Europe. L’Europe que nous voulons bâtir est l’Europe des peuples, l’Europe aux cent drapeaux, aux cent nations... l’Europe ethnique. Dois-je rappeler que la Bretagne est une des plus anciennes nations européennes. L’Europe fait donc partie de notre combat et d’un bout à l’autre de cette Europe des peuples luttent pour leur émancipation et leur libération nationale. De l’un à l’autre, les buts et les moyens varient, mais l’impulsion initiale est la même.
Cette lutte des peuples, concerne ou concernera tous les peuples européens. Mais comme je le précisais précédemment, cette Europe devra se construire sur des bases ethniques, des peuples-patries… Une Europe européenne. Dois-je vous énumérer les dangers actuels qui risquent de conduire l’Europe à sa perte : l’immigration extra-européenne, l’islam religion guerrière, la menace de certains pays émergents… etc. La situation est aujourd’hui critique car nous sommes plus qu’hier devant un grave danger d’assimilation. Je suis un défenseur et du côté des peuples de culture contre les systèmes massifiants, les complices et les agents du déracinement. A nous d’organiser la résistance, peuples européens. A nous Bretons de participer activement à la construction de cette Europe des peuples qui est en marche. Ce qu’il faut à cette Europe c’est d’abord une vision, un idéal, un souffle nouveau. Cette Europe nouvelle doit bien sûr échapper à toutes tentations impérialistes, centralistes, à tout système unitaire. Elle sera une fédération dont chaque nation sera membre. Ces membres, eux-mêmes États, se gouvernant, s’administrant en toute souveraineté selon leurs propres lois. La Bretagne adhérera librement à ce pacte fédéral et ne déléguera uniquement que ce qu’elle ne pourra gérer seule. A tout moment cependant, elle sera libre de suspendre telle compétence à l’Europe, voire, si la situation l’exige, de se retirer totalement du pacte.
Enfin, quels sont vos projets culturels et politiques actuels ?
Padrig Montauzier : Actuellement je projet qui me tient à cœur c’est de faire en sorte qu’une revue comme War Raok perdure et devienne un véritable outil pour la cause qui m’anime et qui anime tous les défenseurs des libertés bretonnes. La revue que je dirige doit devenir une référence dans cette résistance de notre peuple face à un État français colonialiste et impérialiste. War Raok, avec plus de 20 années d’existence, œuvre concrètement pour une réelle renaissance bretonne, refuse par les articles traités que le peuple breton se laisse contaminer par des émotions étrangères, émotions préfabriquées, afin de mieux se réapproprier ses propres émotions… celles liées à sa terre, à sa culture, à son histoire, à sa langue, à sa religion et à ses traditions.
Il faut que War Raok continue à diffuser les idées généreuses de liberté, sans complaisance mais avec objectivité et rigueur. Si certains ont peur de leur ombre, se passent eux-mêmes la camisole intellectuelle, nous préférons à War Raok agir pour une véritable renaissance bretonne en évitant surtout de ne pas tomber dans le piège d’une revue contestataire, irresponsable ou extrémiste.
Voilà mon cher Enric.
A galon vat Enric, Bennozh Doue deoc’h kamaladed, ha bevet dieubidigezh Vreizh ha Bro Gatalonia.
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